Fabrication d’émaux à base de roche : jaspe rouge [A]

Note : Cette publication est une extension de mon exposition intitulée Émaux à Base de Roches : Développer un langage géologique de matériaux alternatifs en céramique. La présente série de blogs développe le projet en offrant des détails relatifs à chaque roche individuellement. Je souhaite approfondir les détails de chacune en abordant divers aspects tels que la chimie (hypothétique) de la roche, la façon dont elle a (ou aurait pu) influencer les émaux, tout en montrant de nombreuses images inédites à la fois des roches et des émaux finaux. En outre, j’ai pris l’occasion, à certains moments, de partager mes propres commentaires et notes, qui, je l’espère, apporteront un éclairage supplémentaire si vous avez l’intention de poursuivre un tel projet.


Jaspe rouge

Avec cette courte série de publications, je souhaite partager mon expérience dans le développement d’émaux céramiques en utilisant, comme ingrédient principal, des roches non transformées. Comme je l’ai déjà écrit, l’un des objectifs de ces articles est de partager mon processus créatif intuitif, exploratoire, et empirique, mais aussi méthodique et systématique, qui sous-tend ce projet.

Dans chaque publication de cette série, je commence par revenir aux principes fondamentaux de la géologie pour offrir une compréhension plus complète de ce qui s’est passé au cours du processus d’essai de l’émail. Que vous collectionnez les roches, soyez géologue ou céramiste, , j’espère que vous trouverez mes écrits utiles, bénéfiques et peut-être inspirants pour vos futurs projets.

L’étape de broyage

Le jaspe rouge est un autre échantillon que j’avais en quantité relativement faible. C’est l’une de mes roches préférées dans ce projet. Sa couleur : un beau rouge fer, qui est conservé tout au long du processus de broyage. Malheureusement, elle a été très difficile à broyer, mais cela en valait la peine. Si vous êtes intéressé par certains des outils que j’ai utilisés dans ce projet, j’ai écrit un petit blog sur le sujet : Outils de transformation des roches en poudre fine pour les émaux en céramique : une introduction.

Composition minérale et considérations relatives à la fabrication des émaux

Note : Comme les roches n’ont pas fait l’objet d’une évaluation approfondie – telle qu’une analyse FRX qui me donnerait une compréhension chimique relativement précise de la composition de la roche -, ce que je présente ci-dessous est de nature hypothétique et reflète un processus d’identification plutôt rudimentaire qui a été réalisé principalement par l’observation et des tests de dureté. En outre, j’utilise cette section pour réfléchir à « ce qui aurait pu être » et pas nécessairement à « ce qui est ». En d’autres termes, cette section reflète mes pensées initiales avant que les roches ne soient utilisées comme ingrédient principal d’une glaçure.

Avant de commencer à fabriquer et à tester les glaçures à base de jaspe rouge, j’ai jugé utile de consacrer un peu de temps à la recherche sur sa minéralogie. Cela m’a permis de mieux comprendre la façon dont la roche fonctionnerait ou pourrait fonctionner en tant qu’émail, et plus particulièrement comment elle interagirait avec les différents fondants que j’ai utilisés dans cette série. D’après les informations que m’a données mon amie (qui est géologue), les minéraux qui composent ce spécimen de jaspe rouge sont :

  • Quartz (Silice)
  • Calcite (Carbonate de calcium)
  • Hématite (Fer)
  • Pyrite (Fer)

Dans son ensemble, les minéraux qui composent le jaspe rouge sont parfaits, du moins en théorie, pour produire une glaçure. Nous y trouvons une teneur suffisante de silice sous forme de quartz, qui est le premier composant de la majorité des glaçures utilisées dans la poterie. La calcite fournit l’un des fondants les plus courants et les plus connus : le carbonate de calcium. Ce dernier a pour effet de réduire la température de fusion d’un émail, ce qui est généralement nécessaire pour une cuisson au cône 6. Enfin, la présence de fer (hématite et pyrite) influence à la fois la coloration de la glaçure de base (que je prévois assez similaire à un lavage à l’oxyde de fer : un rouge-brun profond) et la fluidité de la glaçure. Ce qui est intéressant, c’est que le fer peut agir à la fois comme un fondant (il favorise la fusion et la fluidité) et comme un réfractaire (il favorise la rigidité). Pour l’instant, le jaspe rouge semble assez prometteur.

La température de cuisson et ses effets

Avant de mélanger les roches avec d’autres fondants et de l’argile, j’ai procédé au test de fusion en utilisant la roche sous sa forme de chamotte (<40 maillage) et la forme poudre (>40 maillage). Si vous envisagez d’incorporer des matériaux ramassés, collectés ou inconnus dans vos glaçures ou vos argiles, je vous recommande fortement de procéder d’abord à ces tests. Non seulement ils vous donneront des indications précieuses sur la façon dont ces matériaux se comportent à différentes températures (cuisson du biscuit et de l’émail), mais ils vous rassureront également quant à leur sécurité dans le four, car certains peuvent trop fondre, rendre l’argile fragile ou provoquer des éclaboussures.

La façon dont j’ai procédé est assez simple. Pour le test de fusion, j’ai fait de petites tuiles – bien que je recommande de faire des récipients à petites parois plutôt que des tuiles plates – et j’ai ajouté la pierre concassée seule. Pour ce qui est du test de l’argile, j’ai simplement ajouté 5% de roches broyées à l’une de mes argiles – vous pouvez essayer plus ou moins, mais sachez que plus vous augmentez, plus vous risquez d’altérer l’intégrité de l’argile.

La première série de photos présentée ci-dessous a été réalisée avec la forme chamotte de la roche (c’est-à-dire des morceaux relativement grands). L’ordre est le suivant : avant cuisson, cuisson de biscuit (cône 04) et cuisson d’émail (cône 6). Comme on peut le constater, la majorité de l’échantillon a fondu, ne laissant qu’une petite partie non fondue ou partiellement fondue. Pour moi, c’est un excellent signe de la viabilité du jaspe rouge en tant qu’ingrédient principal de mes recettes de glaçage.

La deuxième série de photographies a été réalisée en utilisant la forme en poudre de la roche (40 tailles de maille et plus fin). Elle suit le même ordre : du brut, à la cuisson de biscuit (cône 04), à la cuisson d’émail’ (cône 6). Ce qui est intéressant, bien que peu surprenant, c’est qu’une granulométrie plus fine augmente la qualité de la fonte à la surface du carreau. Je dis que ce n’est pas surprenant, car il est documenté depuis longtemps que les particules plus fines pénètrent plus facilement dans la matrice de fusion pendant la cuisson.

Enfin, comme je l’ai mentionné plus haut, j’ai également ajouté du jaspe rouge broyé à mon argile. Les images ci-dessous suivent le même ordre de cuisson que les précédentes.

Recettes des émaux

En raison du volume considérable de roches avec lesquelles j’ai dû travailler, au lieu de suivre les méthodes typiques de mélange linéaire et triaxial, j’ai décidé d’utiliser une recette unique (c’est-à-dire le rapport des ingrédients) pour tous mes émaux : 85% de roches concassées, 10% de fondants et 5% d’argile. Par exemple, j’ai utilisé, pour la teneur en argile, le kaolin EP (EPK) et le Redart (R) et, pour les fondants, j’ai décidé de tester le gerstley borate (GB), la dolomie (D), le carbonate de calcium (W), l’oxyde de zinc (Z), la syénite néphélinique (NS) et le carbonate de soude (SA). Ainsi, même si la variation du ratio aurait pu me permettre d’obtenir une plus grande variété d’émaux, cette méthode m’aura permis d’approfondir et de mieux comprendre le rôle et les effets des fondants et de la teneur en argile dans les émaux.

Enfin, tous les émaux ont été testés sur des corps d’argiles différents (PSH 519, Tucker’s Mid Cal 5, PSH 540i).

Les émaux avec jaspe rouge : une vue d’ensemble

Les glaçures produites à partir d’un jaspe rouge offrent une grande variété de couleurs. Elles vont d’une sorte de vert kaki à des bruns foncés et clairs, et enfin à de belles glaçures en forme de taches d’huile avec des notes d’orange. Ce qui est le plus remarquable, selon moi, en particulier en ce qui concerne le borate de gerstley (GB), c’est qu’en utilisant du redart au lieu du kaolin EP, nous obtenons une glaçure bien plus fluide.

Glaçures utilisant EPK sur PSH 540i

Glaçures utilisant Redart sur PSH 540i

Vous trouverez ci-dessous une courte série de vidéos (enregistrées au début de l’année 2024 et d’une durée d’environ une minute chacune) partageant mes réflexions sur les tuiles d’essai, y compris le test de fonte.

Raw Melt Test
Gerstley Borate
Dolomite
Whiting
Zinc Oxide
Nepheline Syenite
Soda Ash
Overview

Les émaux avec jaspe rouge : un regard de près

J’ai particulièrement aimé prendre des macrophotographies des glaçures. Ces dernières offrant une perspective totalement nouvelle sur le paysage de l’émail qui a tendance à passer inaperçu à l’œil nu.

Raw (<40 mesh size grog)
Raw (fine powder between 40-80 mesh)
Gerstley Borate + Redart
Dolomite + EP Kaolin
Whiting + EP Kaolin
Zinc + Redart
Soda Ash + Redart

Aller au-delà des tests

Il y a certain un grand plaisir pouvant être tiré de la confection d’émaux. D’autant plus, qu’en soi, les tuiles d’essai sont toutes de mini œuvres d’art. Cela dit, je me suis toujours demandé à quoi ces émaux ressembleraient sur des pièces réelles. Pour les illustrer et les mettre en valeur, j’ai fabriqué une série de jarres de lune. Deux ont été sélectionnés pour chaque roche, qui ont ensuite été utilisés pour présenter deux émaux parmi les six que j’avais fabriqués.

Jarre de lune [É23A – 1]

Jarre de lune [É23A – 2]

Merci de l’intérêt que vous portez à mes projets ! J’espère que vous avez apprécié cette publication 🙂


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