Avant d’en venir aux résultats de mes expériences, j’ai cru qu’il pourrait être d’intérêt de passer en revue les divers procédés me permettant de pulvériser ces roches. Je tâcherai également, en chemin, d’offrir une courte évaluation des outils utilisés, de même qu’à présenter certaines alternatives et pistes pour de futurs projets.
Préparation du matériel : fragmentation des roches
Dépendamment de la taille initiale des roches, il est probable que vous ayez besoin de les scinder afin que les morceaux puissent être broyés plus aisément. Comparativement à mes tests effectués précédemment, j’ai décidé, cette fois-ci, de poursuivre mes expériences à partir de roches de tailles considérables ; cette décision fut prise dans l’optique de pouvoir, d’abord, amasser une grande quantité d’un même matériel et, subséquemment, assurer une certaine homogénéité chimique des poudres produites. Ce dernier point importe puisqu’il garantit, à un certain degré, des résultats relativement similaires à travers le temps.
Cela dit, comment s’y prendre pour fragmenter nos roches ? En fonction de la ténacité de ces dernières, certains outils sont plus efficaces que d’autre. Bien que certaines roches soient d’une fragilité surprenante et peuvent être pratiquement émiettées à la main, d’autres sont plus tenaces et nécessite des outils robustes, tel un marteau (Figure 1). Comme je le démontre dans la première section de la vidéo, il est possible de briser ces roches à simple coups de marteau et parfois avec l’aide d’un ciseaux à froid/brique. Dans l’éventualité qu’une roche ne succombe pas à ce traitement – comme il fut le cas – il faudra s’outiller autrement. Par exemple, dans la seconde partie de la vidéo j’utilise un marteau perforateurs (Figure 2 et 3). En toute honnêteté, sans cet outil, j’aurais abandonné le projet ou, du moins, je n’aurais pas effectué ces expériences avec autant d’échantillons.
L’étape de préparation du matériel est probablement l’une des plus exigeantes autant à l’égard du temps que de l’effort physique demandé. Enfin, il existe d’autres outils permettant d’accélérer et de faciliter le processus. Par exemple, un concasseur à mâchoires permettrait de réduire les roches en petits morceaux efficacement afin de passer à la prochaine étape plus rapidement. Je reviendrai à cet outil plus tard.
Perceuse à percussion rotative.

Trois accessoires utilisés pour fendre les roches.

Pulvérisation des roches
Maintenant que les roches ont été réduites à une taille adéquate, il est temps d’en faire une poudre fine. Au départ, j’ai effectué cette partie « à la main », soit à l’aide d’un marteau. Plus précisément, j’ai fabriqué une sorte de mortier et pilon en utilisant des tuyaux de fer (Figure 4 et 5).
Pour fabriquer le vôtre, vous aurez besoin :
- Un tuyau en fer dont le diamètre interne est de 2″ (~5cm) et d’une longueur 6″ (~15cm) ;
- Un bouchon en fer pour ledit tuyau ;
- Un second tuyau d’un diamètre faisant le demi du récipient (~1″ ou ~2.5cm) et le double en longueur (~12″ ou ~30cm) ;
- Deux bouchons en fer à chacune des extrémités du long tuyau.
Par ailleurs, ce prototype pourrait être amélioré de plusieurs manières. Par exemple, il serait préférable, entre autres, d’agrandir la surface du récipient pour accueillir un plus grand volume de roche, ou d’utiliser une tige de frappe plus résistante – et une section protégeant la main – pour permettre de frapper la tige plus fortement et avec plus de confiance.
Cette méthode, quoiqu’étant efficace, est exigeante physiquement et requiert énormément de temps. Sans aucun doute, cela dépend de la ténacité de la roche, mais surtout de la quantité de poudre que vous souhaitez produire. Par exemple, en utilisant cet outil, j’étais en mesure de produire près de 1kg de poudre fine en 60-75 minutes. Cependant, ayant accumulé près de 40kg de matière brute pour cette expérience, il m’était nécessaire de trouver d’autres moyens. C’est ce qui m’a mené à la construction et à l’achat d’un outil concasseur de roche.
Concasseur de roche
Une recherche rapide sur le Web m’a conduit à ce petit appareil qui utilise une meleuse d’angle pour pulvériser les roches en une poudre relativement fine assez rapidement – je parle ici d’une taille de maille comprise entre 40 et 80 en 30 à 60 secondes, bien qu’un temps de fonctionnement plus long puisse produire une taille de maille plus fine.
Initialement, le prix de ce type d’outil m’a poussé à construire ma propre version. Je ne vais pas nécessairement m’attarder à détailler la construction de mon prototype. De façon générale, son agencement n’est pas très complexe ; ce qui compte c’est d’avoir à sa disposition les outils adéquats à sa construction. Par exemple, vous pouvez trouver, sur le Web, différentes versions de cette machine. Certaines vont vous demander de souder certaines pièces tandis que d’autres non. Dans mon cas, la construction s’est éternisée en raison que les outils à ma disposition et, de toute évidence mes habiletés, n’était pas nécessairement apte de produire des pièces détenant la précision et/ou la finition requise. Ainsi, il y a plusieurs aspects de mon prototype qui mériteraient d’être améliorés. Cela dit, bien que celui-ci soit « acceptable » en termes de fonctionnement, sa durabilité n’était pas à la hauteur de mes attentes. Par exemple, l’axe central du mien n’est pas aussi solide que celui que j’ai acheté.
La première série de photos (Figure 6) montre le prototype que j’ai construit, tandis que la seconde est celle que j’ai achetée (Figure 7).
Comparativement à mon prototype utilisant une chaîne en acier (extrêmement durable), celui-ci utilise des manilles en acier inoxydable (relativement moins durable). Quoiqu’il fut facile de changer les manilles, j’aurais aimé que ce modèle puisse faire l’utilisation de pièces plus tenace. Enfin, un autre bémol de cette machine est que le tube d’entrée est relativement petit et, par conséquent, requiert du temps et des efforts additionnels à fragmenter la roche afin que les morceaux puissent glisser dedans.
Le cycle de vie d’une manille.

Enfin, l’acquisition de cet outil m’a permis d’accélérer considérablement le processus de pulvérisation. En effet, comme je l’ai mentionné plus tôt, la méthode « à la main » me permettait de produire près d’un kilogramme de poudre en 60-75 minutes tandis que celle-ci m’a permis de transformer près de 5 kilogrammes dans une même période de temps. Suivant la pulvérisation, j’ai fait passer la poudre dans un tamis ayant une taille de maillage de 40. J’estime qu’environ 85% de la poudre se situe entre les mailles 40 et 60, le reste étant plus petit.
Santé et sécurité
Il va de soi que les différents procédés employés permettant de broyer des pierres en poudre fine viennent à créer à la fois des débris et, surtout, de la poussière. Ainsi, il importe de s’équiper adéquatement (Figure 9).
Par exemple, je recommande fortement de porter des lunettes de sécurité dans l’éventualité (fort probable je dirais même) que certains débris soient projetés vers les yeux. J’atteste que cela m’est arrivé à multiple reprise au cours du processus. De plus grande importance, je recommande le port d’un respirateur puisque la poussière créée peut être nocive pour la santé.
Enfin, en raison du bruit produit par le broyeur, il peut aussi être important de prendre en considération une protection auditive. Quant au port de gants, ceci peut varier en fonction des minéraux présents dans les roches.

Variations, alternatives et projets futurs
J’ai évoqué plus haut les différents procédés utilisés dans mes expériences. Cela dit, nous disposons d’un large éventail d’outils pour produire des émaux à partir de matières premières. Dans cette section, j’aimerais vous faire part de quelques alternatives. Au début, j’ai mentionné l’utilisation d’une sorte de mortier et de pilon fabriqués à partir de tuyaux de fer – bien sûr, vous pouvez également utiliser un mortier et un pilon normal en pierre/acier (Figure 10). D’un autre côté, vous pouvez trouver une alternative qui, je pense, peut être plus facile à utiliser parce qu’elle ne nécessite pas de marteler constamment (Figure 11). J’ai également pu trouver sur le Web un outil similaire utilisant un marteau pneumatique (exemple vidéo 1 ; exemple vidéo 2 ; Figure 12). Toutefois, l’efficacité de cet outil (et de ses variantes) dépend fortement, d’une part, de la ténacité de la roche et, d’autre part, de vos capacités physiques. Par conséquent, je n’utiliserais et ne recommanderais cette méthode que si votre intention est de produire de petites quantités (<2 kilogrammes).



Ensuite, un outil que j’aimerais bien ajouter à mon arsenal est un concasseur à mâchoires. Par exemple, le Crazy Crusher (voir Figure 2 ; démonstration vidéo ici) pourrait accélérer le processus significativement. Plus spécifiquement, son utilisation serait pertinente pour fragmenter la pierre afin qu’elle puisse plus facilement être broyée dans le concasseur présenté plus tôt, d’autant plus que cela permettrait de réduire le taux de dégradation des manilles en acier inoxydable.

Enfin, une autre machine que j’aimerais acquérir est un moulin à billes (Figure 14) – Il faut savoir que l’on peut transformer son tour de potier en moulin à billes avec certains accessoires (Figure 15 ; Figure 16) ! D’une part, son mécanisme permet un broyage relativement aisé, bien qu’il faille lui laisser suffisamment de temps pour obtenir les résultats escomptés (entre 4 et 24 heures) ; d’autre part, le moulin peut produire une poudre céramique extrêmement fine, voire de qualité industrielle (taille des mailles 250-325). Ce dernier point est important, car les matériaux agissent différemment selon leur granularité. Par exemple, la silice (quartz) semble mieux fondre à une taille plus fine qu’une plus grossière ; on peut donc favoriser une fusion plus lisse et plus uniforme de nos émaux en faisant attention à la taille des granules. Certes, certains outils sont plus utiles que d’autres, en fonction de la ténacité de la roche et de la granulométrie souhaitée.



Enfin, certaines roches bénéficient de la calcination, un processus permettant d’affaiblire certaines liaisons dans la pierre en les chauffant entre 550 et 1150°C, ce qui les rend plus faciles à broyer, au point que certaines peuvent être pratiquement émiettées à la main. Toutefois, pour les roches dont la composition comprend une forte concentration d’argile, ce processus peut avoir l’effet inverse.
Tout compte fait, il existe une panoplie d’outils à notre disponibilité permettant de transformer des roches en poudre fine afin de confectionner des émaux pour la céramique. Je souhaite que cette publication puisse avoir fait la lumière sur les différents procédés pouvant être utilisés lors de ce processus.
J’aimerais bien lire/entendre de vos commentaires à ce sujet. Si vous êtes déjà en train de produire des émaux à partir de roche : de quelles façons vous y prenez-vous ? Si vous souhaitez commencer votre aventure dans ce type d’approche : qu’aimeriez-vous que je discute davantage ?
Quels sont les autres sujets que vous aimeriez que je discute ?
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